Créditée de 32% au premier tour, la gauche est divisée en cinq listes (sur neuf). Elle grève ses chances de mettre fin à cinquante-cinq ans de gouvernance clanique à droite dans la cité catalane.
«L’affaire de la chaussette» est bien loin. Peu nombreux sont les Perpignanais qui évoquent cette «manœuvre frauduleuse» impliquant des militants UMP qui avaient tenté de «bourrer les urnes» à l’aide de bulletins glissés dans leurs poches et leurs chaussettes alors qu’ils tenaient des bureaux de vote lors des élections de 2008. Les électeurs ont la mémoire courte? Une chance pour la droite, qui s’est rachetée, à peu de frais, une «virginité» relative: l’ancien maire Jean-Paul Alduy - dont le père avant lui a occupé l’hôtel de ville de 1959 à 1993 - en ayant profité pour passer la main à Jean-Marc Pujol lors de l’élection partielle de 2009 qui avait suivi. C’est un pur produit du système Alduy qui porte «dans la continuité» la candidature de sa famille politique.
Sur le papier donc, aucune chance pour la gauche de «réveiller Perpignan», 120000habitants. Si ce n’est en tant que «rempart» contre la candidature du numéro deux du Front national, Louis Aliot, crédité de 29% au premier tour, selon un sondage Ifop pour l’Indépendant. Sa présence au second tour dans une triangulaire ne fait aucun doute et pourrait mettre Pujol en difficulté. Charge à la gauche de transformer l’essai.
Un rassemblement partiel de la gauche
Possible, sauf si le candidat Europe Écologie (qu’on dit proche de Martine Aubry et d’Arnaud Montebourg), Jean Codognès, crédité de plus ou moins 10%, se maintenait au second tour comme il l’avait fait en 2009 contre la règle de désistement républicain à gauche. Il provoquerait alors une quadrangulaire. La gauche semble avoir du mal à saisir l’opportunité qui se présente. Le NPA comme Lutte ouvrière présentent chacun leur liste. La dissidente PS Jacqueline Amiel-Donat (qui, alliée au Modem en 2008, avait totalisé 44,1%) soutient un divers gauche, Axel Belliard, crédité de… 4 %!
Le PS, le PCF, le PRG et le MRC ont réalisé un rassemblement partiel, car sans l’ensemble du Front de gauche: les communistes, partagés à part égale (à la voix près) sur la question, en sont, mais pas tous. Certains, très remontés, membres du PCF ou du Parti de gauche local que nous avons rencontrés, se sont «mis en disponibilité» du Front de gauche le temps de cette campagne. Ce qui n’empêche pas les communistes et les citoyens présents sur la liste de faire valoir une voix résolument à gauche, sur leur propre matériel de campagne. «Ce tract, confie Michel Franquesa, le secrétaire de section PCF, lors d’un porte-à-porte, “on aurait pu le signer”, nous ont dit des camarades… Sauf pour l’appel à voter Jacques Cresta.»
La personne du député socialiste, comptable de la politique gouvernementale à l’Assemblée nationale, divise. Difficile dans ces conditions de conduire une liste de rassemblement… Reste ce qui rapproche la gauche perpignanaise. Et pas seulement une «envie de tourner la page» de «cinquante ans de clientélisme»: à l’approche des élections, on refait les parterres de fleurs, les trottoirs… On aurait même vu, nous confirme sous couvert d’anonymat une mamie du très populaire quartier Saint-Jacques, des distributions de machines à laver, d’ordinateurs et même de scooters… «Le phénomène de montée du FN est amplifié par cette gestion», à destination des communautés maghrébines, gitanes, harkies ou pieds-noirs, soupire Philippe Galano, chef de file des communistes pour les élections.
C’est un système que cette liste aimerait mettre à bas. En luttant par exemple contre la spéculation immobilière, alors qu’une habitation sur deux est insalubre dans le centre ancien, malgré «deux plans de relance et 300 millions d’euros de financements publics» (via l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, dont Jean-Paul Alduy était le président), ou en rendant transparentes les attributions de logements. Mais aussi en menant une politique de transports gratuits, en mettant en cohérence l’existant - trois réseaux de bus, de la ville, de l’agglomération et du conseil général, se concurrencent! Ou en proposant la gestion publique de l’eau. Le choix est simple, selon Françoise Chatard, candidate non encartée sur la liste Cresta: «s’endormir ou se redynamiser» avec un autre projet. «Nous avons choisi la cohésion sociale et la solidarité», conclut Philippe Galano.
article de Grégory Marin publié dans l’Humanité du 12 mars 2014