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23 février 2010 2 23 /02 /février /2010 11:58
Comment un syndicaliste peut-il être traité comme un délinquant ?


Par Philippe Galano, ancien syndicaliste des ASF, conseiller régional PCF, candidat mars 2010 "À GAUCHE maintenant!"


Je pensais que 2003 était bel et bien derrière moi. Une année de lutte qui m’a valu, à cette époque, bien des déboires, avec une justice qui ne m’a toutefois pas empêché de continuer à vivre la tête haute et avec mes convictions.


Un licenciement pour avoir organisé une manifestation, une procédure criminelle pour séquestration – « avoir été présent trente minutes de trop dans le bureau de la direction générale de la société des ASF » –, les huissiers à ma porte chaque semaine, voire les premiers temps chaque jour. Neuf mois de prison avec sursis en première instance, puis trois en dernière instance, c’est le tarif pour avoir défendu son emploi, les retraites et s’être opposé à la décentralisation. Une peine assortie de cinq ans de « mise à l’épreuve ». Eh oui, des fois que ça me reprendrait! C’était l’époque où les lettres recommandées pleuvaient à tel point que les huissiers s’autorisaient à ne plus sonner à ma porte. Des moments difficiles qui n’ont fait que renforcer mon sentiment que cette justice était de classe et que le système serait de plus en plus oppressant.

Trois mois de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende, un jugement final comme une libération, c’est plutôt paradoxal, non? Pour autant, après être passé dans le bureau de trois juges d’instruction – ceux que l’on veut supprimer–, avoir subi leur technique d’interrogatoire plusieurs heures durant, lu sur leur visage leur intime conviction que les manifestants sont des délinquants, seul face à celui qui décide de vous envoyer devant les tribunaux, le doute s’installe.


Suis-je véritablement un délinquant? La réponse à cette question, vous la recevez comme une énorme baffe quand c’est un procureur de la République qui vous la donne. Mais le pire est lorsque les quatre avocats des ASF, ténors du barreau, payés chacun 30 000 euros la séance, vous traitent de « dangereux terroriste » et jugent votre engagement « misérable et ingrat ». Cinq ans de procédure à ce rythme, on peut comprendre que, à force, on ne pense qu’à une seule chose: que ça s’arrête !


Eh bien non! Ce n’est pas fini! Ce week-end, c’est la gendarmerie qui a pris le relais. Après six ans de procédure, ils se sont pointés en plein après-midi: je suis désormais un individu à risques, la gendarmerie me demande donc impérativement un prélèvement ADN. Soumis aux lois de sécurité intérieure de Sarkozy, on m’impose le coton dans la bouche et le fichage obligatoire Fnaeg (Fichier national automatisé des empreintes génétiques). Alors, je me pose la question: dois-je me soumettre? Selon la loi et le Code pénal, si je refuse, c’est un délit (1). Je réalise alors à quel point l’injustice et l’oppression peuvent nous faire basculer dans le néant: je pense à ce qu’endurent les sans-papiers. À quand les fichiers que l’on pourra télécharger sur Internet pour s’assurer de son voisin?


(1) Article 706-56 II. Le fait de refuser de se soumettre au prélèvement biologique, prévu au premier alinéa du paragraphe I, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Nonobstant les dispositions des articles 132-2 à 132-5 du Code pénal, les peines prononcées pour les délits prévus au présent article se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles que la personne subissait ou celles prononcées pour l’infraction ayant fait l’objet de la procédure à l’occasion de laquelle les prélèvements devaient être effectués.

 

l’Humanité des débats 13/02/10

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